jeudi 13 août 2015

Mobilité et (surtout) transport collectif - Expérience exploratoire d'un voyageur américain en Europe centrale (1/3)

Marquée par une plus grande collectivisation des services qu'en Amérique du Nord, l'Europe centrale compte parmi les régions du globe les mieux garnies en transport collectif.  Je suis allé voir par moi-même de quoi il en retourne, et suis revenu grandi d'une tonne d'expériences enrichissantes. Cette série de billets relate sous forme de compte-rendu ces nouvelles expériences que j'ai pu vivre en Allemagne, Autriche, Slovénie et Italie, au printemps dernier.

Lexique

Définition de quelques termes utilisés dans cette série de billets.
Bahn (allemand) : « Chemin ». Nom courant pour le chemin de fer. Version longue : Eisenbahn.
S-Bahn (all.) : « Chemin rapide ». Désignation courante pour les services ferroviaires de transport de passagers de type express régional (en Allemagne) ou de train de banlieue (en Autriche). Version longue : Schnellbahn.
U-Bahn (all.) : « Chemin souterrain ». Désignation courante pour les services ferroviaires de transport de passagers de type métro. Version longue : Untergrundbahn
Strassenbahn ou Bim (all.) : « Chemin de la rue ». Désignation courante pour les services ferroviaires de transport de passagers de type tram.
Bahnhof (all.) : « Gare ». 
Hauptbahnhof ou Hauptwache (all.) : « Gare principale », « gare des gares ». Dénomination pour les gares centrales des villes germanophones.
Haltestelle (all.) : « Lieu d'arrêt ».  
Železnice (/ʒɛlɛz’nitse/, slovène) : « Chemin de fer ».
Potniški promet (slo.) : « Transport de passagers ».
Postaja (slo.) : « Gare ».

Allemagne/Deutschland

Frankfurt am Main

Francfort
Le quartier de la gare de Francfort est foisonnant, même hors
des heures de pointe. Voyageurs y convergent à pied, en bus,
en tram, en vélo, en tram, en trains et en métro.

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Une automotrice de tête DBAG 430 en service sur le S8.
Remarquez le cycliste.

L'organisme Rhein-Main-Verkehrsverbund (RMV) coordonne un réseau de transport de passagers sur route comme sur rails dans la région métropolitaine de Francfort, dont la complexité et l'étendue dépasse l'entendement. Le hub principal de ce réseau se situe à Frankfurt Hauptbahnhof, d'où filent plus d'une vingtaine de lignes S-Bahn et régionales, en plus d'être desservie par les réseaux locaux d'autobus, de tram et d'U-Bahn. Par ailleurs, les lignes de S-Bahn deviennent souterraines dans le cœur de la ville, et servent de complément au service de métro.

C'est la division Regio AG de la Deutsche Bahn (DB, compagnie des chemins de fer fédéraux d'Allemagne) qui opère la plupart des lignes ferrées de la RMV.

DBAG430
Une automotrice de queue DBAG 423 hors-service.
Nicht einsteigen : « pas d'embarquement ».
J'ai emprunté le S-Bahn S8 entre l'aéroport international Flughafen Frankfurt et le centre-ville de Francfort muni d'une Tageskarte (carte quotidienne), achetée à la distributrice pour 8,55 €. J'ai eu moins de difficulté que l'Américaine à laquelle j'ai offert mon aide; les distributrices automatisées sont pourtant multilingues. J'ai pu emprunter à l'aller comme au retour un convoi d'automotrices électriques récentes de type DBAG 430.

La gare centrale de Francfort a conservé en bonne partie son cachet d'origine (sauf pour la publicité, ostensible), et les lignes souterraines d'U-Bahn et de S-Bahn sont facile d'accès à partir des services régionaux, au niveau du sol.

Si la Hauptbahnhof agit comme un hub pour les transport régionaux, c'est la Hauptwache, quelques kilomètres à l'est, qui est le point focal des transports locaux (U-Bahn, tram et bus).

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La publicité à Frankfurt Hauptbahnhof est ostensible.


Autriche/Österreich

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L'ÖBB a investi des sommes considérables dans la rénovation de ses gares, notamment celle-ci, à Linz.
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Un paysage typique d'une bahnhof autrichienne rénovée :
un passage souterrain éclairé adéquatement relie tous les quais.
Pour adapter ses installations à une croissance ininterrompue du nombre de passagers transportés et à la multiplicité des besoins de ces usagers, la compagnie des chemins de fer fédéraux de l'Autriche Österreichisch Bundesbahn (ÖBB) a investi massivement dans la rénovation de chacune des gares du pays. Le plan de modernisation a culminé avec l'inauguration de la nouvelle Wien Hauptbahnhof de Vienne au début 2015. Même la plus petite des station de l'Autriche rurale est maintenant équipée de passages souterrains et d’ascenseurs entre les quais et l'édicule de la gare, de vélostations et de mobilier confortable.


Linz

Linz, capitale de l'État de l'Haute-Autriche, est la seconde plus grande agglomération de la République d'Autriche en terme de population. C'est une ville industrielle prospère installée sur les rives du Danube. Localisée au centre du pays, Linz est une plaque tournante importante du transport autrichien, autant pour les passagers que pour les marchandises. Qui dit plaque tournante dit mobilité; les vélos et les mobylettes électriques ont une place de choix à proximité des bahnhofs.

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Un stationnement de vélos de plusieurs centaines de places,
localisé directement sur le parvis de la gare.
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Quatre chargeurs de mobylettes électrique ont une
place de choix, tout près de la porte d'entrée de la gare.
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Un poteau d'arrêt de la compagnie privée Westbus, 
répondant aux normes autrichiennes et allemandes.

Les poteaux d'arrêt typique d'Autriche et d'Allemagne sont de couleur jaune et vert, surmontés d'un «H» (Haltestelle signifie « station d'arrêt »). À l'exception de Vienne, où le Wiener Linien possède son propre style de poteau d'arrêt, ces couleurs sont la norme.

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Les réseaux privés d'autobus opèrent
surtout des autocars Setra à impériale.
Tandis que PostBus (un réseau public de bus régionaux opéré conjointement par la Poste autrichienne et l'ÖBB) opère une flotte composée presque exclusivement de Mercedes-Benz Integro, la plupart des transporteurs privés possèdent des Setra à impériale. L'espace pour les jambes et la tête est limité, mais des boissons froides et des WC (toilettes) sont disponibles à bord. Le service Westbus m'a transporté entre Linz et Graz via Sankt Michael (22,00 € pour 220 km).



Graz

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Mariahilferstraße, au centre de Graz, est l'une des nombreuses rues piétonne
et cyclable de la capitale styrienne. En arrière-plan, le musée des beaux-arts Kunsthaus.
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Les taxis qui sillonnent la ville sont soit hybrides, soit électriques.
Graz, capitale de l'État de la Styrie ou Steyermark, est la troisième agglomération la plus peuplée de la République d'Autriche. La ville, fondée dans le haut-moyen-âge, est très compacte, mais sa banlieue est très étalée. Son climat est tempéré (il n'y gèle que trois mois par année) et on y voit peu de neige. Graz est une ville universitaire et créative réputée; on compte un étudiant pour six résidents, et près de 15% de la population active travaille dans l'économie de la culture et de la création. (source: graz.at)

La ville est aussi réputée haut-lieu de la mobilité durable. Son réseau de tram date du XIXe siècle, tandis que son réseau S-Bahn est âgé de moins de 10 ans. La ville compte plusieurs kilomètres de rues réservées au transport actif et collectif.
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Les trams circulent sur des rues dédiées ou partagées. Ici, deux trams
se croisent sur la rue Annen, dont une partie a été interdite à la
circulation automobile depuis l'enfouissement du terminus de la gare en 2013.
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Un tram construit en 1978 passe devant le bureau de poste central.
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Des véhicules sont tantôt décorés par des artistes locaux, tantôt entièrement recouverts de publicité.
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Des trams de série 200, construits entre 1963 et 1976.
Le réseau de tram de la cité médiévale s'étend sur plus de 66 kilomètres. La compagnie Holding Graz opère sur ce réseau un large éventail de matériel roulant - varié en âge plus qu'en modèles. Le plus vieux bim (mot d'argot pour désigner les trams) en service a plus de 50 ans d'âge, et les modèles à plancher haut ont été rétroadaptés pour inclure une section centrale à plancher bas. Parmi les modèles plus récents, on compte des éléments Bombardier Cityrunner et Stadler Variobahn.

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Des minibus Mercedes Sprinter City à plancher bas sillonnent la vieille ville.
L'accès au Altstadtbim (le tram de la vieille cité) est gratuit dans la zone touristique. J'ai donc pu utiliser sans frais un Variobahn tout neuf sur la ligne 6. Holding Graz opère 9 lignes de tram, 8 lignes de bus de nuit et 51 lignes de bus de jour. Parmi celles-ci, la ligne 30 relie le square Jakominiplatz au quartier de Geidorf en passant par les étroites rues de la vieille ville. Les planchers bas et larges portes du minibus facilitent l'accès à la vieille ville aux personnes à mobilité réduite.

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Jakominiplatz est le point de convergence du transport collectif à Graz. À gauche, un car du transporteur Meinfernbus.
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Un terminus à Griesplatz regroupe les services de bus régionaux et locaux.
Dans la voie de droite, un car régional opéré par la compagnie Graz Köflacher.
Un hub secondaire nouvellement enfoui sous Hauptbahnhof regroupe bon nombre de lignes, mais c'est le square Jakominiplatz qui est le point focal du transport collectif à Graz. Toutes les lignes de tram s'y arrêtent, en plus de 9 lignes de bus et certains bus interurbains. Les bus régionaux vont plutôt se rabattre au terminus du square Griesplatz et à Hauptbahnhof.

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Des vélos dans une petite rue de la vieille ville.
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Une piste cyclable ségréguée.
Des vélos, des vélos, des vélos ― partout. Il existe un réseau extrêmement élaboré de voies cyclables à Graz. La part modale du vélo y est extrêmement importante (16%) grâce à la clémence du climat, et cette part est plus élevée qu'à Munich ou Strasbourg et aussi importante qu'à Utrecht, villes cyclables reconnues. L'une des rares pistes cyclables en site propre qui m'ait été possible d'observer se situe sur le Ringstraße, près de la plus grande université grazoise. Le trafic y est suffisamment élevé pour justifier une telle ségrégation.
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« Sens unique, sauf pour les cyclistes »
La plupart des panneaux de signalisation routière de Graz sont munis d'un onglet Ausgenommen Radfahrer (« sans prendre en considération les cyclistes », litt.; vélos exceptés), particulièrement les sens uniques. Des voies cyclable à contresens de la circulation automobile garantissent un itinéraire sans détours aux cyclistes qui traversent la ville. J'ai pu emprunté plusieurs de ces voies de jour comme de soir, guidé dans la ville par mon amoureuse qui y réside depuis 4 ans. Je m'y suis toujours senti en sécurité; les différents usagers de la voie publique partagent de façon harmonieuse, et tous observent rigoureusement la signalisation.

Twizy
L'énergie solaire permet à la batterie d'une monoplace
Twizy du constructeur Renault d'être rechargée, devant la
compagnie d'électricité de Graz.

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Escalier muni de rampe près du sentier longeant la rivière Mur.
La plupart des escaliers autrichiens en milieu urbain incluent une rampe à l'usage des cyclistes et personnes poussant un carrosse lorsqu'un ascenseur n'est pas disponible.
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Une rame Siemens Desiro propulsée au diésel.
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Une rame Stadler GTW propulsée au diésel.
Le réseau de S-bahn est opéré par trois compagnies différentes : deux de celles-ci sont des opérateurs para-publics (l'ÖBB, fédérale, et la Steiermärkische Landesbahnen, abrévié STLB, provinciale) et l'autre privé (Graz-Köflacher Bahn GmbH, abrévié GKB). Le secteur public opère ses liaison avec des rames automotrices Bombardier Talent, Siemens Desiro et Stadler GTW, alimentées soit par l'électricité, soit par le diésel. Pour sa part, la GKB exploite une flotte de GTW, ainsi que des voitures multiniveaux tractées. Nous avons emprunté un Stadler de la compagnie GKB sur la ligne S6 jusqu'à son terminus de Wies-Eibiswald pour la somme de 12,60€ ― un trajet d'une heure (aïe!). De Wies, nous avons marché jusqu'à Trojane (Solvénie) à travers les Alpes en empruntant le sentier de grande randonnée E6.
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Une rame Talent de l'ÖBB fonctionnant au diésel.
sur la photo ci-dessus, une rame de Bombardier Talent de l'ÖBB opérant pour le compte de S-Bahn Steiermark est en attente d'une mise en service à la gare Hauptbahnhof de Brück an der Mur, dans la banlieue nord de Graz. Nous avons été transportés par ce véhicule sur la ligne S1 lors de notre retour à Graz de l'Italie pour la coquette somme de 10,10€ ― un trajet de 45 minutes (aïe!, bis).

À venir : la Slovénie, l'Italie et Vienne.

samedi 28 mars 2015

Les jardins publics comme interface : étude de référent pour le Quartier de l'Innovation de Montréal

Ce billet est tiré du blogue Interfaces, dans lequel l'équipe 1 (JEFX Urbanisme) du laboratoire-atelier URB-2514 de l'université de Montréal s'était vu attribuer comme mandat de proposer des référents dans le cadre d'un projet de requalification des interfaces du quartier Griffintown. Le but de l'exercice était de décrire un projet d'aménagement déjà réalisé pouvant s'implanter au sud-ouest du centre-ville de Montréal.
Image 1 : Le quartier Saint-Roch est situé au point de
convergence du réseau routier supérieur de la région de
Québec. Source : Ministère de l'Énergie et des
Ressources naturelles. Traitement : JEFX
Image 2 : Vue aérienne des zones démolies pour laisser
place à l'autoroute.  Source : Ministère des Ressources
 naturelles, de la Faune et des Parcs (1994) Traitement : JEFX
En 1989, le quartier Saint-Roch, dans la basse-ville de Québec, au centre de sa région urbaine (voir image 1), est à un point tournant. Plywood City, la cité aux bâtiments placardés, est un secteur mal famé, une tache sur la mention de patrimoine mondial que l'UNESCO vient d'attribuer à la vieille capitale. Les cicatrices laissées par l'autoroute de la Falaise ― jamais construite ― sont révélées par les quelque 300 démolitions qui ont eu lieu dans le quartier près de vingt ans auparavant (voir image 2). Dans ces espaces laissés vacants, des véhicules sont stationnés épars, les navetteurs profitant de la proximité des pôles d'emploi pour transférer de l'auto à la marche.

Nichés à même le coteau Sainte-Geneviève qui sépare la haute de la basse-ville, ces stationnements constituent une interface entre les quartiers populaires du nord de la ville et le pôle administratif et institutionnel. La Colline parlementaire est en pleine transformation, alors que la croissance de l'appareil étatique québécois y nécessite la construction de nouveaux bâtiments accueillant de plus en plus de fonctionnaires. Les stationnements constituent, en plus d'une interface physique, une interface sociale entre la basse-ville ouvrière, industrielle au nord et la haute-ville marchande, administrative, cossue au sud.

Image 4 : Par dessus l'autoroute enfouie, des stationnements
au seuil du centre-ville de Montréal. Source : JEFX
Image 5: Potager communautaire à même une sortie d'autoroute.
Source : Google
Vingt-cinq ans plus tard, à l'autre bout de l'autoroute 20, le quartier Griffintown de Montréal est en pleine ébullition. Sur son fronton nord s'étalent des îlots entièrement non-construits. Des stationnements (voir image 4) et des bretelles d'autoroutes y occupent aussi l'espace laissé libre par les vestiges de la construction en tranchée recouverte de l'autoroute Ville-Marie en 1974, en contrebas du centre-ville. Le milieu est fortement minéralisé, fait sur mesure pour l'automobile. Les murs des bâtiments qui bordent l'endroit sont souvent aveugles. Ici, le placardage n'est pas en contreplaqué, mais plutôt en brique et en béton. Une toute petite partie de verdure est occupée par des potagers communautaires (voir image 5).

Autrefois quartier ouvrier et industriel à l'ombre du centre-ville des affaires, Griffintown a des airs de ville fantôme lorsque l'École de technologie supérieure s'y installe et que les premiers projets de construction résidentielle se mettent en branle au tournant des années 2000. À ces chantiers viennent se greffer des projets de développement économique axé sur les nouvelles technologies et l'innovation. Le projet Quartier de l'innovation de Montréal « vise à intégrer les quatre volets essentiels à une société créative: le volet industriel, le volet formation et recherche, le volet urbain et le volet social et culturel » .

Image 6 : Évolution de l'îlot Sainte-Hélène (1970-2006).
Source : Le Soleil. Traitement : JEFX
La campagne électorale municipale de Québec en 1989 s'est jouée sur l'avenir des îlots Fleurie et Sainte-Hélène dans le quartier Saint-Roch, lorgnés par des promoteurs qui veulent y ériger un complexe de gratte-ciels. Contre toute attente, c'est le Rassemblement Populaire de Jean-Paul L'Allier qui est porté au pouvoir, défaisant le Progrès Civique ― le parti maître d'œuvre de la rénovation urbaine, au pouvoir depuis 1965, en faveur de l'érection de tours dans Saint-Roch.
Un vaste chantier de consultations populaire est mis en place. Les citoyens du quartier sont mécontents : l'îlot Fleurie (voir image 6 au centre, à droite) accueille en plus de stationnement une cinquantaine de parcelles potagères et des installations artistiques éphémères.
Faire un jardin pour tous là où on avait prévu ériger des tours : la mairie propose ainsi un projet qui va à l'encontre de la vision de ses prédécesseurs, fabriquer la ville en y solidifiant le « vide » plutôt que le « plein ».
Le jardin inauguré en 1993, construit au coût de 6 M$ est le pivot central d'un projet de redéploiement d'un centre-ville économique qui débute par l'embellissement. La stratégie de développement économique est axée sur l'enseignement supérieur, les nouvelles technologies et la diffusion de la culture. Des crédits d'impôt et de taxes sont mis en place comme mesure incitative d'implantation des entreprises.
L'opération réussit. La place publique est rapidement encadrée par le nouveau campus de l'Université du Québec (comprenant l'INRS, l'ÉNAP et les bureaux de la TÉLUQ), des entreprises en technologies de l'information et de la communication (logiciel, jeu vidéo, géomatique, communication graphique), des médias (presse, télé), des logements. L'université Laval installe son École des arts visuels à un jet de pierre du square, et le cégep Limoilou déménage sa Maison des Métiers d'Arts à proximité. Les stationnements des îlots avoisinants disparaissent peu à peu, enfouis sous les nouvelles constructions qui accueillent bureaux, salles de classe, ateliers et logements.
Image 7 : Le jardin Saint-Roch à l'heure du lunch au printemps. Source : Jean Cazes, Québec urbain
Image 8 : La fontaine du jardin Saint-Roch (1993).
Source : OPTION aménagement.
La place publique est au cœur d'un milieu propice à l'innovation en créant un microcosme de travailleurs, de chercheurs, d'étudiants, de créateurs et de résidents. Les environs du jardin Saint-Roch ne constituent plus aujourd'hui une interface de par leur caractère de vacuum-tampon entre deux zones bâties. Néanmoins, le jardin lui-même est aujourd'hui une interface sociale; les institutions et entreprises nouvellement installées dans le quartier ont attiré une population qui côtoie dans ce square les habitants de longue date du quartier.

Aussi, le square a gardé son caractère d'interface physique hérité de sa position en contrefort du coteau Sainte-Geneviève. Un jardin d'eau tire partie de la dénivellation (voir image 8), rappelant à la fois la falaise et le fleuve, éléments physiographiques à la base de la fondation de la ville de Québec.


Bibliographie

  • [s.a.] « Jardin Saint-Roch (Québec) », OPTION aménagement, http://www.optionamenagement.com/portfolio/jardin-saint-roch-quebec-2/, réf. du 3 février 2015.
  • GAUDREAU, V. « Retour sur le jardin qui a fait refleurir Saint-Roch », Le Soleil, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/la-capitale/201308/23/01-4682711-retour-sur-le-jardin-qui-a-fait-refleurir-saint-roch.php, réf. du 1er février 2015
  • GOBEIL, G. et al Québec urbainhttp://www.quebecurbain.qc.ca/, réf. du 1er février 2015 
  • GOSSELIN COUILLARD, F. Saint-Roch, une histoire populairehttp://saint-roch.blogspot.ca/, réf. du 1er février 2015
  • GUÉRICOLAS, P. Saint-Roch: une renaissance originale, http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/2003/10.02/saintroch.html, réf. du 1er février 2015
  • Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec. 94813-064 [orthophotographie]. 1 : 40 000. Québec: Photocartothèque Québécoise, 1994
  • Ministère des Transports du Québec. Répertoire des autoroutes, http://www1.mtq.gouv.qc.ca/fr/repertoire_autoroute/autoroute.asp, réf. du 3 février 2015 
  • PLEAU, J.-P. et BOUCHARD, S.« La société », C'est fou, Radio-Canada, 31 janvier 2015, 53m15s [radio]
  • Quartier de l'innovation de Montréal. « Description du projet », Quartier de l'innovation de Montréalhttp://quartierinnovationmontreal.com/description-du-projet/, réf. du 4 février 2015